Un contraste remarquable
Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer par des exemples avant de revenir sur l’argumentaire.
J’ai Ă©tĂ© frappĂ© par une rĂ©flexion. Aux PalĂ©tuviers Matanda, -oui, faisons la publicitĂ© du 237-, les jus de 0,65 cl que l’on vend habituellement Ă 500 FCFA dans des bars se vendent plutĂŽt Ă 1500 FCFA. (C’est un endroit dĂ©licieux au bord du Wouri, Ă Bonassama. Il vous est vivement conseillĂ©. đŻ)
Dans des lieux chics de Bonapriso dĂ©tenus par des Ă©trangers, les jus de 0,30 cl que l’on Ă©coule de coutume Ă 250 FCFA dans des bars coĂ»tent 2000 FCFA.
Je suis etonnĂ© de savoir que la variation des prix aux PalĂ©tuviers est choquante pour certains, et celle des coins de Bonapriso est normale. « Mais ce sont les Blancs non ? », ai-je entendu.
J’ai eu Ă dĂ©battre de la situation dĂ©crite plus haut, et mon raisonnement semblait bizarre pour mes interlocuteurs. Je n’ai pas pu m’empĂȘcher de faire le parallĂšle avec une situation vĂ©cue il y a quelques mois.
Un compatriote, promoteur de la marque Sassaye, prĂ©sentait ses espadrilles, made in Cameroon. Un commentaire a particuliĂšrement attirĂ© mon attention. C’etait celui d’une demoiselle. Elle estimait qu’un produit qui n’est pas Ă la portĂ©e de tous les Camerounais ne doit pas ĂȘtre « made in Cameroon ». Le « frĂšre » devrait donc se clochardiser pour que tout le Cameroun achĂšte ses produits ?
L’entrepreneur local est-il condamnĂ© Ă vĂ©gĂ©ter ?
Minimiser sa valeur pour rester compĂ©titif face au Blanc, de peur qu’Ă un prix sensiblement Ă©gal, on ne prĂ©fĂšre l’Ă©tranger ? Le Made In Cameroon devrait donc ĂȘtre constituĂ© d’entrepreneurs qui vĂ©gĂštent au ras du sol, alors que pendant ce temps, on retrouve au sein du made in Italy, made in USA, des entrepreneurs dont les taux de rentabilitĂ© sont d’une Ă©vidente obĂ©sitĂ© ?
Nos entrepreneurs sont tout seuls lorsqu’ils passent des nuits blanches Ă confectionner leurs biens/services, lorsqu’ils s’Ă©chinent Ă nĂ©gocier avec des partenaires pour la fourniture des matĂ©riaux et la distribution de leurs produits finis. Mais lorsqu’ils ont enfin pu mettre le fruit de leur travail Ă notre disposition, on les attaque, non pas parce que leurs produits/services sont de mauvaise qualitĂ©, mais parce qu’ils « osent » avoir les mĂȘmes standards que les Blancs qui sont chez nous, et que nous enrichissons avec sourire et fiertĂ©.
Le seul pĂ©chĂ© de l’entrepreneur local, est-il d’ĂȘtre le « frĂšre » ? Il aurait Ă©tĂ© français, libanais ou italien, on aurait achetĂ© son produit sans rechigner. Mais non, c’est le « frĂšre »! Comment se permet-il de s’Ă©lever ? Pourquoi veut-il flirter avec le niveau supĂ©rieur ? Il y a comme un « pour qui se prend-il » sur les visages. On criminalise l’ambition sous le prisme de l’origine raciale. L’Ă©tranger peut avoir des marges bĂ©nĂ©ficiaires consĂ©quentes, mais le « frĂšre » qui a investi n’en est pas digne.
De la pauvreté collective
Il ne s’agit pas d’une question de pouvoir d’achat. Ceux qui tiennent le discours que je dĂ©crie ont gĂ©nĂ©ralement des moyens; cependant, ils en ont pour l’Ă©tranger. Lorsque le Camerounais s’avance, c’est subitement « trop cher ».
Continuons Ă penser ainsi, et refusons de nous regarder dans le miroir. Le sous-dĂ©veloppement sera plus palpable que jamais, malgrĂ© les centres commerciaux et les gratte-ciel. Ces bĂątiments sont chez nous, mais ils ne sont pas Ă nous. Il suffit de voir comment les Ă©trangers qui sont chez nous consomment assidĂ»ment les produits/services de leurs « frĂšres », pour se rendre compte de la pauvretĂ© collective qui nous anime encore.
La vie est trop brĂšve pour ĂȘtre petite.
Faisons d’elle une balade inĂ©dite.
© MÂČCD
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