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Que penser des marches du 22 septembre ?

Depuis des jours, l’espace public national est confisqué par un projet de marches initié par le MRC.

Une incompréhensible surmédiatisation

Ce qui est remarquable, c’est l’ampleur qu’a pris cette affaire. Un simple appel à manifester, qui, en théorie, devrait constituer un banal rite de la vie politique, est devenu un élément permanent de fixation.

Il est d’ailleurs devenu impossible de s’informer correctement sur l’état du pays à travers les médias publics, chacun d’eux mettant à profit ses antennes ou ses colonnes pour ne traiter que des imminentes marches du 22 septembre.

Ce qui est profondément embêtant, c’est de voir à quel point différents corps sociaux se succèdent pour donner leur point de vue en défaveur de la marche, mais font preuve d’un silence consistant lorsqu’il faut se prononcer sur les difficultés quotidiennes qui minent la joie de vivre des citoyens.

La voie naturelle du MRC

Il est évident que le MRC, s’étant volontairement mis en marge des institutions représentatives, à travers le boycott des dernières élections, n’a plus que la rue et les médias pour s’exprimer.

Sa démarche actuelle était donc attendue, et est, pour ainsi dire, naturelle. Le projet de marches de ce parti a pour objectif de mettre la pression sur le régime, et de précipiter son écroulement.

Et la loi ne l’interdit pas.

Ce que la loi interdit, c’est la violence. Pas l’expression d’une volonté de changement.

On se serait donc attendu à ce que la manifestation du 22 soit encadrée à la hauteur du risque de trouble à l’ordre public, et à ce que ceux se rendant responsables d’actes violents soient extirpés et conduits au sein des couloirs répressifs compétents.

Cependant, le pouvoir conserve les stigmates du parti unique, réfractaire à toute pensée contraire à la sienne. Pour la santé du jeu politique, il est essentiel que les appareils répressifs de l’État – police, armée, justice – existent, non pas pour bâillonner ceux qui pensent différemment, mais précisément pour leur assurer le droit de penser différemment sans être inquiétés.

Lorsque l’on sait la quantité d’intelligences rassemblées au sein du parti au pouvoir, il est étrange de constater cette irrépressible ardeur à comprimer, systématiquement, la liberté de s’exprimer.

Notre histoire nous apprend pourtant qu’étouffer la pensée ne fait que renforcer le ressentiment, et conduit les citoyens dans leurs derniers retranchements.

Et cela n’augure rien de bon.

La radicalisation de l’UPC dès décembre 1956, et du mouvement social anglophone en 2017, nous parle.

La dynamique politique de la marche du 22

Concernant la structure de cette marche future, il y a des points stratégiques qui me semblent problématiques, en matière de communication.

Observons de prime abord que les soulèvements populaires qui ont généré des changements de régime ces dernières années en Afrique – Tunisie, Égypte, Burkina, Soudan, Mali… – étaient portés par des mouvements citoyens dépouillés de tout ancrage politicien.

Dans aucun de ces pays, l’on a vu des partis politiques au-devant de la scène. C’est un point essentiel dans la compréhension des dynamiques de mobilisation des masses. A partir du moment où une manifestation visant à déboulonner un régime est portée par un parti politique, elle se fragilise d’elle-même, parce que les concurrents de ce parti y verront une manœuvre essentiellement partisane, et ne contribueront pas à sa pleine réussite.

Cela est d’autant plus vrai dans un contexte comme le nôtre, où depuis 2018, militants et sympathisants de multiples factions politiques baignent dans une indescriptible animosité, ce qui hypothéque toute possibilité de coopération, même circonstancielle.

Au-delà de cet aspect, une catégorie de partisans du MRC sont habités par l’idée que seul leur parti voit juste, et y associent un pénible culte de la personnalité autour de leur leader, ce qui rend encore plus boiteuse toute tentative de ralliement de forces extérieures au parti. Ils jettent de la lumière sur l’homme et non sur la cause à défendre, et l’audience visée se rétrécit inexorablement.

Pourquoi le 22 ?

Il n’aurait pas été surprenant qu’un samedi soit sélectionné pour ce déploiement annoncé, comme lors de la marche du 26 janvier 2019. Curieusement, le jour choisi est un mardi. Et un examen du calendrier international nous apprend que le 22 septembre correspond à l’ouverture du débat général de la 75e session de l’assemblée générale de L’ONU.

Existe-t-il un lien entre les deux évènements ? Le MRC compte-t-il sur la brutalité policière pour surfer sur la question des droits de l’homme, et suggérer, encore une fois l’intervention de la « communauté internationale » ?

Espérons que l’on aura une vue plus précise de la stratégie au cours  des prochains jours, et que l’on recensera aucune perte en vies humaines.

La vie est trop petite
Faisons d’elle une balade inédite.

© M²CD

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